À toile tendue.
- geraldinebanti.redaction
- 29 mars
- 5 min de lecture

- Ça va ? Vous allez bien ?
- Ça va. Très bien merci.
Il ne faut pas que je m'inquiète, j'ai toutes les ressources en moi pour avancer. Mon bonheur est à l'intérieur, il faut juste aller le chercher.
Je suis dépassée, entre 30 et 35 ans, le burn out débarque. Avant on s'en moquait, maintenant, c'est devenu un sujet de société. Grâce à lui, tout le monde parle bien anglais. Il y a même des gens qui se sont emparés de mon mal-être pour en faire leur publicité.
Finalement, je m'en convaincs. Aller voir un coach c'est mieux que d'aller voir un psy, ça fait plus sportif de l'esprit.
Ma quête de sens part dans tous les sens, j'essaie de balayer l'insipide pour retrouver goût à la vie. Des vacances ou un bilan de compétences ? Trouver un nouveau souffle ou rester en pantoufles ?
Sur les réseaux sociaux, on me dit que tout est "OK". Alors, j'ai trouvé ma nouvelle passion : procrastiner.
Des mois, des années à douter, pleurer, à essayer, je m'obstine à m'acharner.Le développement personnel devient ma soupape de sécurité : si je comprends qui je suis vraiment, tout sera prêt pour aller de l'avant.
Je me nourris de feed pour devenir belle et consomme d'autres recettes maternelles.
Je deviens philosophe, je veux m'élever vers d'autres cieux plus cléments.
En attendant que les planètes s'alignent, je communique tous les jours. Sauf quand Mercure rétrograde.Avant, je faisais confiance au système solaire, je savais garder les pieds sur Terre. Maintenant, je suis spirituelle, ésotérique et holistique. J'interprète le hasard comme des signes de l'Univers en espérant que Monsieur l'Univers me fasse signe.
Tant bien que mal, je m'ancre dans un instant présent tout en essayant de me projeter, d'aller de l'avant. Je cherche une mission de vie, un ikigaï, un truc qui fera que je suis légitime d'exister. Mes parents ne sont plus seuls dans ma conception, la société me soutient pour concevoir un Monde avec une autre vision.
Funambule d'Internet, je reste en équilibre pour trouver mon juste équilibre.Tout le monde y va de son conseil :"Fais du yoga c'est la clé. Mange des graines, ça draine le foie, ma foi. Puis non, finalement c'est une formation à 3000 euros qu'il te faut."
Mon avenir s'éclaircit tandis que mon banquier me rappelle à la réalité. J'essaie un peu mais pas trop. Je suis une femme rappelons-le. Pour y arriver, seule, est quand même un défaut. Il faut rejoindre une de ces communautés qui nous veut du bien, nous enferme dans un élan de sororité sectaire dès le matin.
Je veux faire partie d'un tout, j'y trouve des amies mais pas de partenaire professionnel. Qu'est-ce qui ne tourne pas rond chez moi ? Cela devait pourtant être le bon endroit.
Je démissionne. Je n'ai pas besoin de me mettre au vert, j'ai besoin d'aller vers.Ce qui est bon pour les autres n'est peut-être pas mon repaire.
Je découvre de moi que je sais construire seule, que je n'ai pas peur de l'inconnu ni de l'inconfort. J'efface mes doutes en avançant, là où les autres attendent d'être prêts pour le tirage au sort.
Je perds du temps, je m'épuise, je comprends Amélie Poulain, sa sensibilité, et qu'elle avait raison de faire voyager des nains de jardin.
Dans mon carnet de santé mentale, j'inscris un nouveau terme sur le dédale. J'ai le syndrome de l'imposteur. Puis non finalement, c'est celui de l'objet brillant. Je serais presque contente d'avoir un de ces trucs qui explique tout et, de névrosés, nous rend plus intelligents.
Les réseaux sociaux me condamnent à me montrer puis me faire disparaître mais sans me culpabiliser parce que c'est bien aussi d'y montrer ma vulnérabilité.
Sur la toile, je cherche Ornicar. Mais où est-il donc aujourd'hui ? Pour plus d'exotisme et voyager, j'ai appris à parler anglais. Brian a débarqué et a balayé mon éducation patriarcale en se postant directement dans la cuisine familiale. Grâce à lui, j'ai le temps d'aller sur LinkedIn.
Dans ce jardin où les manifestes de l'esprit fleurissent à tout bout de champ, le signal du "réseau" brouille les pistes, la division est nette :
- D'un côté les optimistes qui vendent du baume au coeur, et de nouveaux moyens d'aller mieux sans sueur.
- De l'autre, les négationnistes qui mettent l'accent sur ce que le monde fait de pire pour mieux attirer du monde vers la tirelire.
Tout le monde devient psychologue de sa propre vie, on a tout compris pour soi et pour les autres aussi. Ouf, ça va mieux, on est tous HPI.
De jour en jour, je deviens stratège. L'algorithme est mon Maître. Je ne sais plus vivre sans regarder les écrans, Après tout, c'est là où il y a le plus de gens.
Tout le monde est devenu vidéaste et moi, qui n'aime pas m'afficher, je me vois, malgré moi, passer à la télé. Pour éviter cette pseudo notoriété, je marche dans la rue en regardant mes pieds.
Le Monde va mal, je veux partir. Ou alors adopter un chien parce que sur les vidéos ça fait bien.
Je cherche un truc innovant à faire pour être payée. Ou peut-être bien… pour être aimée ?
Entre la sécurité du salariat et la liberté de l'entrepreneuriat, mon cœur balance. Il me faut les deux, c'est une évidence. Travailler 7 jours sur 7 montrera de moi que je suis quelqu'un de fort, de combatif tout en gardant mon esprit libertaire et vif.
Avant, je tournais en rond. Maintenant, je sais saisir la balle au bond.
Je me réfugie dans l'idée que je peux tout faire, mais dans un contexte délétère. Tant pis si je n'y arrive pas dans 6 mois, au moins, j'aurais été "Moi".
Il paraît que l'on devient freelance pour éviter de se suradapter à un monde qui ne nous convient plus. Pour ne pas sombrer dans l'oubli, c'est moi-même que j'oublie. Car à vouloir faire comme il faut, n'en aurais-je pas annihilé ma différence ?
Il y en a qui ont tout compris. Les jeunes sont les plus agiles, les Seniors ont déjà leur cible.
Je n'abandonnerai jamais ! Je veux que mes proches et mes enfants soient fiers de moi. Certains jours, je dois me rendre à l'évidence. Résolument, pour moi, le Monde avance dans le mauvais sens.
Finalement, je ne sais pas trop ce que je fais là.
Surtout les mardis.
Du coup, j'écris les vendredis.
-Texte inspiré de faits réels, bien planqués au milieu des Reels.-
Extrait de ma chronique Les Vendredis dits sur LinkedIn : https://www.linkedin.com/in/géraldine-banti/
L'un de ces exemples vous a parlé ? Vous vous êtes déjà senti.e égaré.e sur l'un de ces "bons" ou "mauvais" rails dictés par cette nouvelle modernité digitale ? Vous ne savez plus à quelle heure régler votre boussole intérieure ?
Au lieu de produire des maux, laissons vivre les mots.
Ce sont eux qui nous racontent le mieux.
Parlons de vous, mais surtout… Contons sur Vous.
Contact pour prestations et édition : geraldinebanti.redaction@gmail.com
Photo : Géraldine Banti – Toronto
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